Le prince de la faluche

Achille Fournier était né, cela ne s’invente pas, à Saint-Romain- de-Benêt en Charente-Maritime. ILLUSTRATION GAUTHIER DEVILDER

Cet instituteur à la retraite a fait les beaux jours des carabins de Bordeaux. Il était inventeur, violoniste, poète, savant et bon vivant.

Les carabins des années 40 vous diront bien qu’Achille Fournier était un petit bonhomme charmant et fantasque qui avait son franc-parler et de plus, le parler volontiers volubile. Artiste talentueux, violoniste depuis l’âge de 7 ans, dessinateur, deux fois premier prix de l’École des beaux-arts de Bordeaux, médaillé par Émile Loubet pour un portrait de lui à l’encre de chine… L’Inspection primaire – il était instituteur – lui avait passé commande, en 1911, pour l’exposition universelle de Turin, de plusieurs photographies. Dont il a été impossible de retrouver la trace.

Ses inventions… Sérieuses, comme cette pince à manipuler les lames de rasoirs, ou son fameux Flottor, un hydrocyle démontable inauguré sur le plan d’eau du Jardin public à Bordeaux.

Des inventions brevetées

Plus farfelus, le « repto-dacto », stylo-plume à trois lames décalées, conçu pour faciliter la tâche aux cossards condamnés aux 100 lignes, la règle à trous, le cinéma en relief, l’enfile-aiguille, l’empêche-fumée de cheminée, l’harmoniseur de violon et de saxo… Seize inventions, dont la moitié brevetées. Parmi lesquelles le tricoloris, qui ne l’a plus jamais quitté, depuis le jour de la Libération de Bordeaux en août 44. Un canotier orné d’un ruban tricolore, décliné en version femme, homme et enfant, et été/hiver. Il le voulait obligatoire pour les fonctionnaires, payant pour la population, pour un sou symbolique qui irait tout droit au profit des orphelins de guerre. Pas si innocent d’ailleurs, car son tricoloris faisait la nique à l’interdiction du port de la faluche, ce béret étudiant et supprimé pendant l’occupation allemande à cause des insignes et rubans jugés trop patriotes que les potaches y accrochaient.

L’affaire des sanisettes

Les potaches, parlons-en. Pas une mascarade étudiante sans qu’Achille fasse le clown avec ceux dont il était la mascotte. C’est qu’alors, la Semaine de la faluche animait tout Bordeaux huit jours durant… Grimé, en roi nègre, en César, haranguant le passant… Car il avait aussi le discours facile, Achille, le poète révolutionnaire. Souvenez-vous ce bazar incroyable, le soir de la première projection de « Clochemerle » à l’Apollo, en 47 (actuel UGC). « Clochemerle » dont il a fait un remake, avec ses amis carabins, lors de l’affaire de la disparition des sanisettes publiques à Bordeaux, en 1951, et de la fausse vraie inauguration d’une vespasienne à la fac de médecine. Ou de son retour en fanfare après un aller-retour fantasque en train à Paris, pour aller au Quartier latin bisquer Ferdinand Lop, candidat, comme lui, aux élections présidentielles.

Membre d’une dizaine de sociétés, saugrenues, ou savantes comme la Société d’astronomie ou la Philomatique de Bordeaux, fondateur du parti social Directis, militant de l’espéranto, sempiternel candidat aux municipales sur une liste de poètes zinzins, ses idées progressistes ne l’étaient pas tant. Il réclamait des piscines publiques, des jardins ouvriers, des maisons de retraite et le suffrage universel… Achille Fournier, qui vivait rue de la Prévôté, s’est baladé chaque jour sur les allées Damour, de sa retraite en 1935 à sa mort, en février 1947. Il est mort à l’hôpital Saint-André, à 69 ans, et ce sont les édudiants qui se seraient cotisés pour payer ses obsèques. Tout souvenir de ce cocasse personnage sera bienvenu…


Source: https://www.sudouest.fr/gironde/le-prince-de-la-faluche-8737811.php

Merci au commandant Roswell pour l’info.

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