Nos facultés de droit – Manifestations étudiantes entre 1909 et 1912

Répression d’une manifestation d’escholiers (étudiants) de l’Universitas magistrorum et scholarium Parisiensis (Université de Paris) par les sergents royaux en 1229

1 La répression d’une manifestation d’escholiers (étudiants) de l’Universitas magistrorum et scholarium Parisiensis (Université de Paris) par les sergents royaux en 1229.

 

Rédigé par Jérôme Bonnard, Professeur retraité des Facultés de Droit, et auteur du blog Nos Facultés de Droit.

 

Source : http://droiticpa.eklablog.com/faculte-de-droit-de-paris-c29164396/11?noajax&mobile=0

Les grèves et manifestations d’étudiants de l’Université de Paris, éventuellement suivies de leur répression par l’autorité, ne sont pas l’apanage des XXème et XXIème siècles.

 

Par exemple, en 1229, de jeunes étudiants de Paris, alors considérés comme des clercs, furent frappés par un tavernier et des voisins de celui-ci, dont ils contestaient le prix de la chope de vin. Le lendemain, armés de bâtons, ils revinrent pour se venger non sans violence. À la demande du prieur de Saint-Marcel, la régente Blanche de Castille fit châtier les coupables par les sergents royaux et plusieurs étudiants furent tués. Les Maîtres de l’Université de Paris protestèrent auprès de la régente en exigeant l’arrestation des militaires coupables. Comme la régente ne répondait pas à cette demande, les Maîtres et les escholiers de l’Université de Paris organisèrent l’une des plus grandes grèves que connut la capitale. Sous la pression du pape, le roi Louis XI encore mineur (sa mère Blanche de Castille avait refusé de s’incliner), paya une amende et fit jurer aux bourgeois et à l’évêque de Paris de ne plus jamais molester les escholiers de l’Université. Sur ce, la grève se termina et les leçons des Maîtres reprirent avec leurs escholiers redevenus sages et studieux.

 

D’autres exemples sont donnés avec les grèves des étudiants de Paris, en 1446, auxquelles participa François Villon, et celles de 1553, suite à l’assassinat d’un étudiant, Raymond de Mauregard, par les sergents du Châtelet (ces derniers furent condamnés).

 

 

 

 

Émeutes étudiantes et barricades au Quartier Latin en juillet 1893 (La Lanterne. 6 juillet 1893).

2 Émeutes étudiantes et barricades au Quartier Latin en juillet 1893 (La Lanterne. 6 juillet 1893).

 

De la fin du XIXème siècle jusqu’au début de la Grande Guerre mondiale de 14-18, les troubles estudiantins des quatre Facultés (Droit, Lettres, Sciences et Médecines) de l’Université de Paris prirent diverses formes (chahut lors des cours, intrusion dans les locaux ; blocages de leur accès, manifestations de rue…), tout en étant désormais accompagnés d’articles de presse (v. l’image ci-dessus du journal politique quotidien, La Lanterne, en date du 6 juillet 1893).

 

  

 

 

Intrusion de manifestants dans la Faculté de Droit de Paris par les fenêtres donnant sur la rue Soufflot.

3. Intrusion de manifestants dans la Faculté de Droit de Paris par les fenêtres donnant sur la rue Soufflot.

 

Plus tard, toujours sous la Troisième République (4 septembre 1870-1940), entre les deux Guerres mondiales, la Faculté de Droit de Paris fut, de nouveau, le théâtre de mouvements estudiantins. Certains avaient pour origine l’engagement politique original de leurs professeurs. Ces derniers troubles présentaient plusieurs traits communs : la participation d’étudiants de droite à des manifestations de rue ; leur intrusion dans des amphithéâtres de la Faculté de Droit pour empêcher les cours ; la fermeture provisoire de la Faculté de Droit ; et la suspension administrative ou la démission du Doyen de la Faculté. Je consacrerai un chapitre propre à deux d’entre eux dans les prochaines semaines : chapitre LIV (ou 54) : L’affaire Georges Scelle en 1925 ; chapitre LV (ou 55) : L’affaire Gaston Jèze et François Mitterrand en 1935-1936.

 

 

 

 

 

Manifestations étudiantes entre 1909 et 1912

4  « Manifestation des étudiants. Un manifestant conduit au poste de police » (photographie de presse non datée. L’étudiant arrêté est vêtu comme les membres des Camelots du Roi).

 

Pour l’heure, je vous invite à suivre diverses manifestations des étudiants de la Faculté de Droit de Paris entre 1909 et 1912.

 

Certains de ces troubles étaient organisés ou accompagnés par des membres, étudiants ou non, d’associations politisées. La plus active d’entre elles fut L’Action française, un mouvement royaliste d’extrême droite, fondé en 1898, en pleine affaire Dreyfus. Non seulement, ce mouvement luttait pour restaurer une monarchie orléaniste « traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire, et décentralisée », mais il était profondément nationaliste (d’où ses combats contre « les Rouges »), anti « métèques » (étrangers domiciliés en France, selon le dictionnaire d’Émile Littré), et antisémite (d’où son hostilité à l’égard  du capitaine Dreyfus, du président de la République Léon Blum, et de Charles Lyon-Caen, le premier Doyen Juif de la Faculté de Droit de Paris).

 

L’Action Française pouvait notamment s’appuyer sur deux soutiens « logistiques » :

 

 

 

 

L’Étudiant Français, journal de la Fédération nationale des Étudiants d’Action Française (source : gallica.bnf.fr.).

5 L’Étudiant Français, journal de la Fédération nationale des Étudiants d’Action Française (source : gallica.bnf.fr.).

 

 D’une part, le groupe des Étudiants de l’Action Française, fondé le 8 décembre 1905. Lors de cette journée inaugurale, en présence de Charles Maurras, Eugène Gaignart de Mailly, un étudiant de la Faculté de Droit de Paris, y énonça les deux objectifs poursuivis :

 

« Nous voulons exposer, discuter les doctrines de l’Action française, et cela pour convaincre, pour déterminer des adhésions libres et réfléchies […] Notre devise sera « la propagande par l’étude ». « En deuxième lieu, nous voulons exclure de nos réunions toute préoccupation électorale ». 

 

 

 

 

Sur le Boul' Mich'. Un étudiant français (Journal Le Rire du 20 mars 1909, dessin de Markous)

         6       Sur le Boul’ Mich’ (boulevard Saint Michel au Quartier Latin)…

         Qu’est-ce qu’il y a ?… 

         C’est un étudiant français !…  

(Journal Le Rire du 20 mars 1909, dessin de Markous. Source : gallica.bnf.fr.). 

  

           Le groupe des Étudiants de l’Action Française militait notamment contre l’envahissement des nos Facultés par les étrangers à qui des équivalences d’études étaient parfois trop facilement accordées par leurs professeurs. Il s’infiltrait alors dans d’autres associations d’étudiants bien représentées dans les Facultés de la capitale comme l’Association générale des Étudiants, dite « A », pour y créer des incidents ou influencer leurs décisions. C’est ainsi qu’André Becheyras, membre des Étudiants d’Action française, parvint à se faire désigner comme délégué de l’ « A » de la Faculté de Droit de Paris où il put notamment faire interdire le vote des étudiants étrangers au sein de son comité directeur.

 

 

 

 

Défilé des Camelots du Roi dans les rues de Paris

                    7 Défilé des Camelots du Roi dans les rues de Paris.

 

D’autre part, le groupe des Camelots du Roi (ou du Roy), grand admirateur de Jeanne d’Arc et de Charles Maurras, créé en  novembre 1908. Leurs membres, constitués d’étudiants des classes supérieures (Droit, Lettres, Sciences) et d’hommes de classes plus humbles (employés et ouvriers), vendaient dans les rues de la capitale le journal de L’Action Française. Ils participaient également à des opérations plus violentes et musclées, notamment en s’introduisant dans les diverses Facultés de la capitale pour y chahuter ou molester les professeurs et les étudiants aux cris de « métèques dehors », ainsi que les professeurs connus pour être hostiles aux thèses maurrassiennes ou trop favorables aux étudiants étrangers.

 

 

 

 

 

Camelots du Roi (Le Rire, 6 mars 1909)

8  Épreuve nocturne de nos Jeunes Messieurs, étudiants de Paris : le lit de leur camelote ou le poste de police pour avoir manifesté avec les Camelots du Roy (dessin extrait du journal Le Rire du 6 mars 1909. Source : gallica.bnf.fr.).

 

Vive les Camelots du Roi, ma mère,
Vive les Camelots du Roi…
Ce sont des gens qui s’foutent des lois,
Vive les Camelots du Roi !
Et l’on s’en fout, à bas la République !
Et l’on s’en fout d’la Gueuse et d’ses voyous !
 

 

Vive la royauté ma mère,
Vive la royauté,
Il nous la faut pour cet été,
Vive la royauté !
Et vive le roi, A bas la République 
Et vive le roi, la France y va tout droit.
 

 

Vive Charles Maurras ma mère,
Vive Charles Maurras !
C’est notre maître et c’est un as,
Vive Charles Maurras !
Il disait vrai, il prévoyait la guerre,
Il disait vrai, la Gueuse nous désarmait !
 

 

Vive Léon Daudet ma mère,
Vive Léon Daudet !
Il pend les tueurs au collet,
Vive Léon Daudet !
Les égorgeurs de la police politique,
Tremblent de peur à sa juste fureur !
 

 

Vive Maurice Pujo* ma mère,
Vive Maurice Pujo !
Il est la terreur des sergos,
Vive Maurice Pujo !
 

 

Et vive le roi, A bas la République 
Et vive le roi, La gueuse on la pendra. A la lanterne
Et si on ne la pend pas, on lui cassera la gueule,
Et si on ne la pend pas, la gueule on lui cassera !
 

 

Ah ça ira ça ira ça ira !
Tous les députés à la lanterne,
Ah ça ira ça ira ça ira !
Tous les députés on les pendra !
 

 

Vive le duc de Guise ma mère,
Vive le duc de Guise!
Servir la France est sa devise,
Vive le duc de Guise !
 

 

Et vive le roi, A bas la République 
Et vive le roi, qui défendra nos droits !
 

 

*Maurice Pujo était un étudiant membre des Camelots du Roi, qui participaient avec Georges Bernanos, et d’autres étudiants de l’Université de Paris (les trois frères Real del Sarte, Théodore de Fallois, Armand du Tertre…), tous très « costauds » à diverses opérations « coups de poing » au Quartier Latin et dans les diverses Facultés de la capitale.

 

 

 

 

           Étudiants devant l’entrée de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint-Jacques (photographie de presse datée 1910)

9  Étudiants devant l’entrée de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint-Jacques (photographie de presse datée 1910).

 

En très grande partie issus de la bourgeoisie catholique « intransigeante » aiséeacute;e de Paris ou de province, les étudiants de la Faculté de Droit de la place du Panthéon étaient sans doute davantage intéressés par la lecture du journal de L’Action Française, tiré à plus de 60 000 exemplaires en 1920, que par celle du journal L’Humanité créé en 1904 par Jean Jaurès (d’abord socialiste, ce journal devint communiste en 1920). Cette boutade étant dite, il m’est bien difficile de chiffrer, pour les années d’avant la Grande Guerre, le nombre des étudiants de Droit de Paris qui étaient membres, affiliés ou sympathisants de l’Action Française et de ses deux composantes, les Étudiants de l’Action Française et les Camelots du Roi.

 

Tout au plus, retrouve-t-on, sous diverses plumes, la même litanie : « Ce mouvement connaissait une forte implantation dans les Facultés de Droit » (Stéphane Boiron : « L’Action Française et les juristes catholiques ». Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2008/2, n° 28, pages 337 à 367) ; « La doctrine de l’Action Française attire alors […] une partie de la jeunesse française de droite, en particulier dans le Quartier Latin, à Paris, comme en témoigne le contingent important de sympathie que fournit l’Ecole nationale des Chartes, de même que l’Institut catholique, la Faculté de Droit de la capitale et plus modérément les Facultés de Médecine et de Pharmacie » (wikipedia : Action française) ; « Lors d’une manifestation de l’Action Française, en 1912, à Paris, un indicateur dénombre près de 80 étudiants, dont les trois quarts sont inscrits en Droit, environ 10 % en Médecine, quelques-uns suivant des études à l’Ecole des Chartes, et aux Beaux-Arts. » (Rosemonde Sanson, « Les jeunesses d’Action française avant la Grande Guerre », p. 205-215).

 

 

 

 

Manifestation des étudiants de la Faculté de Droit à travers Paris, le 8 novembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll).

11 Manifestation des étudiants de la Faculté de Droit à travers Paris, le 8 novembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll). Les manifestants en tête devaient être membres des Camelots du Roi en raison de leur canne, coiffe et long manteau.

 

        Dans ce contexte, en novembre et décembre 1909, des manifestations du groupe parisien des Étudiants d’Action Française, épaulé par les Camelots du Roi, visèrent personnellement le Doyen de la Faculté de Droit, Charles Lyon-Caen (sur celui-ci : voir le précédent chapitre XLIX, ou 49 : Quatre Doyens de 1899 à 1922).

 

 

 

Le Doyen Charles Lyon-Caen

12 Le Doyen Charles Lyon-Caen (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, extraite de l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. LGDJ, 1931. En libre accès sur gallica.bnf.fr.).

 

Premier professeur de confession juive de cette Faculté, Charles Lyon-Caen avait été, sans doute pour cette raison, élu difficilement puis réélu plus difficilement encore par ses collègues à la charge décanale (en 1906 : 23 voix seulement sur 41 suffrages ;  le 13 février 1909 : 19 voix pour 44 votants dont 21 bulletins blancs. En général, les Doyens de la Faculté de Droit étaient élus à la quasi unanimité des votes de leurs collègues).

 

 

 

 

 

Incidents à la sortie de la Faculté de Droit, devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques, le 7 décembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll)

13 Incidents à la sortie de la Faculté de Droit, devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques, le 7 décembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll).

 

     Dans un premier temps, le Doyen Charles Lyon-Caen s’abstint d’appeler la police pour faire cesser les troubles. Selon ses propres mots « à cause de cette croyance enracinée chez les étudiants qu’ils sont chez eux dans leurs facultés comme sur une terre d’asile et que la police n’y saurait pénétrer ».

 

 

 

 

           Fermeture de la Faculté de Droit, en décembre 1909. La police devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques

 14  Fermeture de la Faculté de Droit, en décembre 1909. La police devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques (photographie de presse). 

 

Mais, dans un second temps, le Doyen Charles Lyon-Caen se résolut à appeler la police et il fut contraint de fermer la Faculté de Droit du 10 au 30 décembre. 

 

Et, en raison de l’opposition hostile d’une partie de ses collègues, le Doyen Charles Lyon-Caen démissionna de ses fonctions le 23 février 1910. Il laissa la charge décanale à un protestant : le professeur Paul Cauwès (sur celui-ci : voir le chapitre XLIX, ou 49 : Quatre Doyens de 1899 à 1922).

 

 

 

 

Le Professeur Albert Wahl « plus sévère que les lois »

15  Le Professeur Albert Wahl « plus sévère que les lois » (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, extraite de l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. LGDJ, 1931. En libre accès sur gallica.bnf.fr.).

 

Les années suivantes, la Faculté de Droit de Paris fut le théâtre de nouveaux troubles estudiantins.

 

– D’abord, en 1910, le cours de Droit civil de première année de licence du Professeur Albert Wahl fut perturbé par des étudiants qui jugeaient ce prof’ beaucoup trop sévère dans ses notations, et critiquaient l’absence de choix entre deux cours de Droit civil en deuxième année de licence (celui qu’assurait précisément Albert Wahl, et celui qu’assurait un autre professeur bien plus indulgent dans ses notations!). Le 3 février 1911, le cours de Droit civil du Professeur Albert Wahl fut de nouveau perturbé par les étudiants, et la Faculté de Droit fut fermée jusqu’au 1er mars de la même année !

 

– Ensuite, en novembre 1912, les cours de deuxième année de licence des professeurs Bartin, Allix et Bernard furent perturbés par des étudiants qui réclamaient qu’ils soient assurés dans un amphithéâtre moins incommode. Les cours furent alors suspendus pendant près d’une semaine !

 
 
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    LI (ou) 51. La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (1/4) : les étudiants festifs d’avant-guerre, la loi des Trois ans, et la mobilisation des étudiants sous les drapeaux.

     

     

     

    Jeu d’enfants sur le grand bassin du jardin du Luxembourg (photographie plaque de verre, juin 1914)

    1 Jeu d’enfants sur le grand bassin du jardin du Luxembourg (photographie plaque de verre, juin 1914).

     

     

          « Les enfants n’ont ni passé ni avenir, et, ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent », écrivait La Bruyère. Aussi cet enfant de Paris qui faisait voguer son p’tit bateau sur le bassin du  Luco, ne pouvait-il imaginer un seul instant en ce jour d’été que les grandes personnes préparaient leur Première Guerre mondiale, « La  Der des Ders », avec ses 20 millions de morts, dont 1,4 million soldats français, et ses 21 millions de blessés.

     

     

     

     

     

    Monôme* d’étudiants avec faluche** et robe*** avant la Grande Guerre

    2 Monôme* d’étudiants avec faluche** et robe*** avant la Grande Guerre (cortège, rue Soufflot, le long du mur de la Faculté de Droit).

     

     

         Les deux genres d’Étudiants. Ses aînés et grands frères, étudiants du Quartier latin, étaient également dans l’insouciance de leur jeunesse. Si quelques uns, polards (piocheurs et rangés), passaient leur temps à lire et relire leurs notes de cours et les articles du Code civil pour les examens de juillet, beaucoup d’autres, festifs, préféraient boire et s’amuser. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle le dernier conseil de la Faculté de Droit de Paris, réuni le 27 juillet 1914, sous la présidence du Doyen Larnaude, décida de retarder d’une semaine la reprise des cours en novembre pour permettre d’assurer, dans de bonnes conditions, la session de rattrapage d’octobre. Car, en effet, la première session de juillet avait connu un nombre d’ajournés exceptionnellement élevé !

     

     

            *Le monôme désignait un joyeux cortège organisé dans les rues par les étudiants, souvent pour fêter la fin des examens. Ils défilaient « comme un seul homme » (origine du mot monôme ?), en file indienne, soit en se donnant la main, soit la main posée sur l’épaule de celui qui précède. 

     

            **La faluche désignait un béret de velours noir orné de rubans et d’insignes symbolisant, de manière pittoresque, la toque doctorale du Moyen Age. Les étudiants en Droit ( et en Médecine) étaient reconnaissables au liseré de couleur rouge de leur faluche.

     

          ***Quant à la robe, il s’agissait du vêtement que portent les professeurs des Facultés, ainsi que les juges et les avocats dans l’exercice de leurs fonctions. 

     

     

     

     

    Étudiants devant la porte de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques, en 1910

    3 Étudiants devant la porte de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques, en 1910 (plusieurs d’entre eux, mobilisés, trouveront la mort au Champ d’Honneur).

     

     

          Les étudiants de la Faculté de Droit de Paris étaient pour la plupart issus de la bourgeoise moyenne ou aisée de la capitale. 20% d’entre eux avaient un père exerçant une profession juridique (avocat, juge, notaire, huissier, professeur de Droit, etc.). Les autres étaient souvent des enfants de fonctionnaires, de cadres de sociétés, de propriétaires fonciers et d’officiers militaires. Beaucoup logeaient encore chez leurs parents : 2/3 sur la rive gauche, siège des grandes Facultés ; 1/3 sur la rive droite bien plus huppée.

     

     

     

     

     

    Pour ou contre la « loi des Trois ans » (L’Espérance du peuple du 17 mars 1913).

    4 Pour ou contre la « loi des Trois ans » (L’Espérance du peuple du 17 mars 1913).

     

     

        Les deux France. Au cours de l’année 1913, les étudiants en Droit de Paris, pour la plupart de droite, voire d’extrême droite, nationalistes et militaristes, avaient présenté plusieurs pétitions pour soutenir le vote d’un projet de loi qui devait fixer à trois ans la durée du service militaire contre deux ans depuis une loi du 21 mars 1905 (cette loi du service universel avait aussi supprimé l’étonnant tirage au sort des conscrits). La nouvelle loi devait permettre de renforcer notre armée dans l’éventualité d’un conflit avec l’Allemagne (l’armée française disposait alors de 480 000 hommes contre 850 000 pour l’armée allemande).

     

     

     

     

     

     Jean Jaurès à la manifestation du 25 mai 1913, au Pré-Saint-Gervais, contre la « loi des Trois ans »

    5 Jean Jaurès à la manifestation du 25 mai 1913, au Pré-Saint-Gervais, contre la « loi des Trois ans »

     

     

        En 1913 et 1914, la question de l’augmentation de la durée de la conscription divisa la France, y compris la gauche ! Les partis et les syndicats de droite et d’extrême droite y étaient favorables, ainsi qu’une partie de la gauche radicale sous l’impulsion de Georges Clémenceau. Mais, une autre partie de la gauche, des radicaux socialistes à la SFIO de Jean Jaurès, et le syndicat de la CGT, s’y opposaient, par antimilitarisme (l’armée n’avait-elle pas été utilisée pour réprimer des grèves ouvrières ?) et souci de rapprochement pacifique avec l’Allemagne. À la Chambre des députés Jean Jaurès fut alors accusé d’être « vendu à l’Allemagne » ou « l’homme du Kaiser ».

     

     

     

     

     

    Photographie traditionnelle d’un groupe de nouveaux jeunes conscrits avec rubans et insignes (c. 1910)

    6 Photographie traditionnelle d’un groupe de nouveaux jeunes conscrits avec rubans et insignes (c. 1910).

     

     

         En définitive, la loi fut votée, en juin 1913, par la Chambre des députés et, en juillet de la même année, par le Sénat. Datée du 7 août 1913, elle fut publiée au Journal Officiel du 8 août. Son article 18 fixait à trois ans le service militaire en ces termes :  

     

     

     « Tous les hommes reconnus aptes au service militaire sont tenus d’accomplir effectivement la même durée de service.

    « Tout Français reconnu propre au service militaire fait partie successivement :

    « De l’armée active pendant trois ans;

    « De la réserve de l’armée active pendant onze ans*;

    « De l’armée territoriale pendant sept ans*;

    « De la réserve de l’armée territoriale pendant sept ans*.

    « Le service militaire est réglé par classe. L’armée active comprend, indépendamment des hommes qui ne proviennent pas des appelés, tous les jeunes gens déclarés propres au service militaire armé et auxiliaire et faisant partie des trois derniers contingents incorporés. »

     

    * Après leurs trois années de service militaire, les conscrits, une fois libérés, restaient des soldats en puissance pendant vingt-cinq années, d’abord dans la réserve, puis dans l’armée territoriale, avec des rappels réguliers pour des exercices militaires. 

     

     

     

     

     

    Parisiens prenant connaissance de l’ordre de mobilisation générale du 1er août 1914 (agence Rol.

    7  Parisiens prenant connaissance de l’ordre de mobilisation générale du 1er août 1914 (agence Rol. Source : gallica.bnf.fr.).

     

     

        Les partisans de cette loi ne s’étaient guère trompés en ce qui concerne le risque de guerre avec l’Allemagne. Le 1er août 1914, un peu plus d’un mois après l’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche, l’archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo, par un étudiant et nationaliste serbe, l’Allemagne déclara la guerre à la Russie. Le Gouvernement français ordonna aussitôt la mobilisation générale. Puis, le 3 août 1914, l’Allemagne déclara la guerre à la France.

     

     

    « Par Décret du Président de la République, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée, ainsi que la réquisition des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ce armées.

     

    Le premier jour de la mobilisation est le dimanche 2 août 1914.

     

    Tout Français soumis aux obligations militaire, doit, sous peine d’être puni avec toute la rigueur des lois, obéir aux prescriptions du FASCICULE DE MOBILISATION (pages coloriées placées dans son livret).

     

    Sont visés par le présent ordre TOUS LES HOMMES non présents sous les Drapeaux et appartenant :

    1°, à l’ARMÉE DE TERRE y compris les TROUPES COLONIALES et les hommes des SERVICES AUXILIAIRES ;

    2°, à l’ARMÉE DE MER y compris les INSCRITS MARITIMES et les ARMURIERS de la MARINE.

     

     Les autorités civiles et maritimes sont responsables de l’exécution du présent décret.

     

      Le Ministre de la Guerre.    Le Ministre de la Marine.

     

     

     

     

     

     

    Bombardement de Paris (le premier raid aérien allemand eut lieu le 30 août 1914 avec un Taube qui largua cinq bombes et des tracts, sans faire de blessés)

    8 Bombardement de Paris (le premier raid aérien allemand eut lieu le 30 août 1914 avec un Taube qui largua cinq bombes et des tracts, sans faire de blessés).

     

     

          Dès le début du conflit, la prise de Paris fut le premier objectif de l’armée allemande. Aussi les Allemands, après avoir traversé le Luxembourg et la Belgique neutre, arrivèrent-ils à 50 km de Paris, le 31 août (le 2 septembre, le Gouvernement quitta la capitale pour Bordeaux. Il revint à Paris, le 9 décembre 1914). Toutefois, du 5 au 14 septembre, la réquisition de 630 taxis parisiens pour transporter nos troupes sur le front, et la 1ère bataille de la Marne qui s’en suivit  (une 2ème bataille de la Marne eut lieu le 18 juillet 1918), empêchèrent l’armée allemande de conquérir Paris. Bloquée à une cinquantaine de km de la capitale, elle développa, tout au long de la guerre, une stratégie de bombardements avec des canons géants à longue portée, auxquels échappèrent les bâtiments de la Faculté de Droit et de sa bibliothèque (voir le chapitre LIII ou 53 : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (3/4) : la démobilisation des étudiants en Droit).

     

     

     

     

     

     

     

    Ferdinand Larnaude, Doyen de la Faculté de Droit

    9  Ferdinand Larnaude, Doyen de la Faculté de Droit  (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, in l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris, édité en 1932, en libre accès sur gallica.bnf.fr). 

     

        L’organisation de l’année universitaire 1914-1915. Dans ces circonstances graves, le Professeur Ferdinand Larnaude qui avait été élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris, le 11 juillet 1913, pour trois années (il fut maintenu à cette charge de 1916 à 1919, les élections ayant été suspendues pendant la Guerre), organisa, le samedi 5 septembre 1914, avec le Conseil de la Faculté*, le premier semestre de la rentrée.

     

    * Le Conseil de la Faculté gérait les questions disciplinaires, les propositions pour les chaires vacantes, et le budget. L’Assemblée de la Faculté gérait les questions pédagogiques et scientifiques. Quant au Conseil de l’Université de Paris, sous la direction du vice-recteur de l’Académie de Paris (Louis Liard d’octobre 1902 à septembre 1917 ; Lucien Poincaré d’octobre 1917 à mars 1920), il définissait une politique commune pour l’ensemble des Grandes Écoles et des Facultés de la capitale, ainsi que leur budget global.

     

         Les difficultés étaient grandes en raison des milliers d’étudiants et de plusieurs professeurs, âgés de 20 à 48 ans, qui venaient d’être appelés sous les drapeaux, et de l’incertitude quant à la suite des événements (beaucoup pensaient que la Guerre serait de courte durée). Aussi les services du premier semestre des professeurs mobilisés furent-ils confiés à leurs collègues encore en poste, et les dates et programmes des examens de l’année adaptés pour permettre aux étudiants mobilisés d’y participer dès leur retour (voir les prochains chapitres LII ou 52, et LIV ou  53). Quant à la cérémonie annuelle de distribution des prix aux étudiants lauréats des concours de fin d’année, elle fut supprimée.

     

          « Je n’ai jamais oublié que je n’étais rien que par la Faculté et en la servant » (F. Larnaude). Tout au long de la guerre, le Doyen Larnaude marqua la Faculté de Droit de Paris par son dévouement sans faille. Ainsi, en 1915, alors que Paris était menacé, il refusa de quitter la Faculté de Droit, couchant dans son bureau pendant les bombardements (en avril, son médecin l’obligera à prendre du repos). Cette même année, il organisa, à la demande du Conseil de l’Université de Paris, l’Œuvre universitaire des étudiants prisonniers de guerre de Paris et, au nom de celle-ci, une souscription pour l’envoi de livres ou d’argent dans plus de 228 camps de prisonniers (le personnel de la Faculté de Droit y participa, versant chaque mois une journée de son traitement). En 1919, il créa encore des cours de Droit et de Science Politique, en français, et des conférences, en anglais, pour les étudiants étrangers et quelques 450 soldats américains…

     

     

     

     

     

    Le Droit prime la Force (Journal L’Eclipse, mai 1878, dessin d’André Gill

    10 Le Droit prime la Force (Journal L’Eclipse, mai 1878, dessin d’André Gill. Source : gallica.bnf.fr.). 

     

     

        La Guerre du Droit. Dès le début du conflit, le Doyen Larnaude quitta la neutralité politique chère au Professeurs pour s’engager dans le combat du Droit et de l’Université française contre un seul et unique ennemi : l’Allemand. La veille de la rentrée, profitant de la séance du conseil du 7 novembre 1914, réservée à l’accueil de deux nouveaux professeurs agrégés (Joseph Barthélémy et René Demogue), il dénonça « l’invasion de nouveaux Barbares », et les Universités allemandes dont « l’enseignement a empoisonné l’esprit public allemand, détraqué les cerveaux allemands, et déchaîné, par la mégalomanie qu’il a engendrée, et les convoitises les plus odieuses », ajoutant : « Ce que nous pouvons demander au monde, dont les Universités allemandes poursuivent – et elles ne s’en cachent pas – l’asservissement, c’est quel crédit on peut faire à une science [théories juridiques allemandes dont celle de la primauté de la force sur le droit] qui aboutit à de pareils résultats ! »

     

     

     

     

     

    Le Doyen Larnaude, membre de la Commission de la Société des Nations de la Conférence de la Paix de 1919

    11 Le Doyen Larnaude, membre de la Commission de la Société des Nations de la Conférence de la Paix de 1919 (*le plus à droite de la photographie).

     

     

          L’Honneur d’un Homme. Après la signature de l’armistice et la fin de la Guerre, le dévouement du Doyen Ferdinand Larnaude fut récompensé, le 4 mai 1919, par la croix d’officier de la Légion d’honneur, qui lui fut remise par son collègue, le Professeur Charles Lyon-Caen. Il fut réélu Doyen, à la quasi unanimité des professeurs votants, et il exerça cette charge jusqu’en 1922 (il fit valoir ses droits à la retraite l’année suivante).

     

        Parmi de très nombreuses fonctions qu’il exerça après la Guerre, on relèvera qu’il fut délégué du Gouvernement de la République française à la Conférence de la Paix de 1919, aux côtés de plusieurs de ses collègues de Paris (Jules Basdevant, Charles Lyon-Caen, Albert de Geouffre de La Pradelle, André Weiss),

     

     

     

     

     

    L’amphithéâtre de la Faculté de Droit de Paris pendant la guerre (photographie datée juin 1917)

    12 L’amphithéâtre n° 1 de la Faculté de Droit pendant la guerre (photographie datée juin 1917. Source : Des facultés sur le front du droit. Paris et Toulouse dans la Grande Guerre 

    http://expo-grande-guerre-biu-cujas.univ-paris1.fr/galerie-la-neutralite-interrogee/

     

     

                 En 1913-1914, le nombre total des étudiants en France s’élevait à 42 037. Parmi eux, 16 465 étudiants en Droit, soit 39 %. À elle seule, la Faculté de Droit de Paris rassemblait 7 569 étudiants, dont 886 étrangers, soit 39% de l’ensemble des étudiants en Droit, bien loin devant les Facultés de Droit de province (Bordeaux : 875 : Dijon : 630 ; Lyon : 585 ; Toulouse : 560 ; Poitiers : 505 ; Alger : 350 ; Aix : 330 ; Grenoble : 265).

     

              À la rentrée de l’année 1914-1915, les étudiants de la Faculté de Droit n’étaient plus que de 1 165 dont 223 étrangers, soit une chute des effectifs de 85% (en 1915-1916 : 1 847 étudiants dont 456 étrangers ; en 1916-1917 : 1 887 dont 483 étrangers ; en 1918-1919 : 3 884 dont 567 étrangers ; en 1919-1920 : 6 975 dont 897 étrangers). 

     

          Car, en effet, au mois d’août 1914, nos étudiants-garçons de la Faculté de Droit de Paris avaient été appelés sous les drapeaux, comme tous les hommes âgés de 20 à 48 ans, en bon état de santé (pour la plupart, ils furent incorporés dans les unités combattantes). Quant aux étudiants étrangers, principalement Russes, Roumains, Serbes (ou Yougoslaves) et Égyptiens, qui étaient retournés chez eux pendant les vacances d’été, ils ne revinrent pas s’inscrire à la rentrée en raison de la guerre.

     

        Aussi, en novembre 1914, les étudiants inscrits en Droit étaient-ils essentiellement des jeunes hommes de moins de 20 ans, qui n’avaient pas encore été mobilisés (certains d’entre eux, âgés de 18 ans, devancèrent l’appel sous les drapeaux en arrachant l’autorisation de leur père ; les autres furent appelés les années suivantes), des hommes de plus de 20 ans exemptés en raison de leur état de santé, et, bien entendu, les femmes puisqu’elles n’étaient pas mobilisables. Toutefois, ces dernières étaient encore assez peu nombreuses à la Faculté de Droit de Paris (58 femmes à la rentrée 1914-1915 ; 77 à la rentrée 1915-1916).

     

     

    À très bientôt (jeudi 5 décembre), pour les autres chapitres consacrés à la Faculté de Droit de Paris pendant la guerre de 14-18 :

     

    LII  (ou 52) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (2/4) : les Professeurs sous les drapeaux et les Professeurs en poste.

     

    LIII  (ou 53) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (3/4) : la lente démobilisation des étudiants en Droit.

     

    LIV  (ou 54) : La Faculté de Droit et la guerre de 14-18 (4/4) : Étudiants et Professeur Morts pour la France.



     
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    LII  (ou 52) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (2/4) : les Professeurs sous les drapeaux et les Professeurs en poste.

     

     

     

    L’entrée de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques, pendant la Grande Guerre (photographie datée juin 1917

    1 L’entrée de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques, pendant la Grande Guerre (photographie datée juin 1917. Source : exposition virtuelle : Des facultés sur le front du droit. Paris et Toulouse dans la Grande Guerre.

     http://expo-grande-guerre-biu-cujas.univ-paris1.fr/galerie-la-neutralite-interrogee/ 

     

     

         En 1913-1914, la Faculté de Droit de Paris comptait 45 professeurs, professeurs adjoints et agrégés. Parmi ceux-ci : Adrien Audibert, Edgard Allix, Étienne Bartin, Jules Basdevant, Maurice Bernard, Henry Berthélemy, Henri Capitant, Ambroise Colin, Auguste Deschamps, Paul Fournier, Émile Garçon, Pierre de Geouffre de Lapradelle, Charles Gide, Gilbert Gidel, Paul Girard, Joseph Hitier, René Jacquelin, Gaston Jéze, Émile Jobbé-Duval, Ferdinand Larnaude, Alfred Le Poittevin, Charles Lefebvre, Paul Leseur, Charles Lyon-Caen, Charles Massigli, Louis May, Edmond Meynial, Alfred Piédelièvre, Antoine Pillet, Marcel Planiol, Nicolas Politis, Auguste Souchon, Edmond Thaller, Albert Tissier, Henri Truchy, Albert Wahl, et André Weiss*.

     

    * Ces Professeurs de Droit bénéficient, pour la plupart, d’une notice universitaire sur le site Siprojuris (http://siprojuris.symogih.org), et d’un portrait dessiné par Mme Favrot-Houllevigue, dans l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris, publié en 1933, avec leur biographie jusqu’à cette année (en libre accès sur gallica.bnf.fr). Certains d’entre eux font l’objet d’une page sur wikipedia dont ils ne sont pas les rédacteurs auto-congratulateurs comme cela se pratique aujourd’hui ! 

     

     

     

     

    La Grande galerie de la Faculté de Droit pendant la guerre (photographie datée juin 1917)

    2 La Grande galerie* de la Faculté de Droit pendant la guerre (photographie datée juin 1917. Source précitée : Des facultés sur le front du droit. Paris et Toulouse dans la Grande Guerre).

     

    * Sur cette photographie, prise en 1917, les murs encadrant l’escalier principal de la Grande galerie ne sont pas encore recouverts des plaques en pierre commémorant les étudiants, les anciens étudiants, les professeurs agrégés et les chargés de cours anciens élèves de la Faculté de Droit, Morts pour la France. En effet, ces plaques furent posées et inaugurées en mars 1925 (voir le chapitre LIV ou 54 : La Faculté de Droit et la guerre de 14-18 (4/4) : Étudiants et Professeur Morts pour la France). 

     

          Les cours de Droit qui devaient être dispensés à la rentrée 1914-1915 étaient forts nombreux car, entre 1876 et 1914, la Faculté n’avait cessé de créer de nouveaux enseignements obligatoires ou facultatifs (par exemple : histoire du droit public français, droit public général, droit constitutionnel comparé, histoire des traités, économie sociale comparée, histoire des doctrines économiques, statistique, législation et science financières, législation et économie industrielles, économie coloniale, législation coloniale, législation et économie rurales…).

     

     

         Toutefois, pour palier, au cours des années de guerre, à la mobilisation de plusieurs professeurs (voir ci-après) et au décès naturel d’autres professeurs (Charles Massigli, Louis Renault, Edmond Thaller, Charles Audibert). le Doyen Larnaude et le Conseil de la Faculté de Droit supprimèrent quelques cours complémentaires ou optionnels, notamment, en licence, le cours de droit administratif-contentieux et finances, et, en doctorat, le cours de sciences juridiques et celui de sciences politiques et économique (dans certaines Facultés de province, des professeurs partis en retraite revinrent assurer les cours des professeurs mobilisés).

     

     

     

     

     

    Un cours dans l’amphithéâtre n° 1 de la Faculté de Droit pendant la Grande guerre (photographie datée juin 1917

    3 Un cours dans l’amphithéâtre n° 1 de la Faculté de Droit pendant la Grande Guerre (photographie datée juin 1917 avec la mention pendant un cours du Professeur Henri Truchy*. Source précitée : Des facultés sur le front du droit. Paris et Toulouse dans la Grande Guerre). 

     

    *Henri Truchy, Docteur en Droit de la Faculté de Paris fut reçu au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit, en 1893. Il enseigna successivement aux Facultés d’Aix, de Caen  et de Dijon, avant d’être appelé à celle de Paris où il fut Professeur titulaire de la chaire d’Économie politique le 11 juillet 1910. Il connut une grande notoriété avec son Précis d’économie politique publié au Recueil Sirey.

     

          Mobilisés et volontaires. Les Professeurs de la Faculté de Droit de Paris, dès lors qu’ils étaient âgés de moins de quarante-huit ans et en bonne santé, furent mobilisés dans l’armée (ils avaient fait leur service militaire plusieurs années auparavant).

     

     

       Mais, avant de présenter ces Professeurs mobilisés, il convient de rendre hommage à un autre Professeur dont le souvenir est perdu : Joseph Hitier (je n’ai trouvé aucune image le représentant). Trop âgé pour être mobilisé, il s’engagea comme volontaire !

     

       Un brillant étudiant en Droit… Joseph Hitier était né le 7 septembre 1865 à Revelles dans la Somme (Picardie). Orphelin de père à 12 ans, il entra comme interne au Collège Stanislas de Paris et fut lauréat au concours général de l’année 1883. Il s’inscrivit à la Faculté de Droit de Paris où il obtint sa licence en 1886 et son doctorat en 1890 (il fut plusieurs fois lauréat de la Faculté : 1er prix de Droit civil en 1885, 1er prix de Droit administratif en 1886…).

                                                                                                   

     devenu Professeur d’Économie politique... Joseph Hitier enseigna d’abord à la Faculté de Droit de Grenoble, avant d’être appelé, en 1906, à celle de Paris pour enseigner l’économie politique* et les disciplines connexes comme l’histoire des doctrines économiques, la législation et l’économie rurale, la législation et l’économie coloniale et la législation et l’économie industrielle. À Paris, il fut successivement chargé de cours (1906), agrégé (1907), professeur adjoint sur la chaire d’économie politique (1909), professeur titulaire de la chaire de science financière (1912), et professeur titulaire de la chaire de législation et économie rurales de 1922 à 1930, année de sa mort, à l’âge de 64 ans.

     

     

    * Jusqu’en 1877, l’enseignement de l’économie politique était dispensé au Collège de France, dans les Grandes Écoles (CNAM, Ponts et Chaussées, École Libre de Sciences Politiques …), ainsi qu’à la Faculté de Droit de Paris. En 1877, il fut étendu aux autres Facultés de Droit avec la création de chaires d’économie politique dans chacune d’elles. En 1897, une option « économie » fut instituée au concours d’agrégation des Facultés de Droit. 

     

       … et un Soldat héroïque. Mais Joseph Hitier ne fut pas qu’un Professeur d’Économie politique qui regroupait ses cours sur quelques jours à Paris pour pouvoir cultiver lui-même ses terres picardes le reste de la semaine. Il fut un homme d’un courage et d’un mérite supérieur sur les champs de bataille, élevé, à titre militaire, au grade de Chevalier de la Légion d’honneur, et titulaire de la Croix de guerre. Je laisse la plume, ou du moins le clavier d’ordinateur, aux auteurs anonymes de sa biographie sur wikipedia :

     

     

    « Engagé conditionnel en 1885, Joseph Hitier est promu sous-lieutenant en 1893 et lieutenant en 1899. À l’ouverture de la Première Guerre mondiale, il est Lieutenant de Réserve à titre honoraire. Il s’engage alors “pour la durée des hostilités” comme simple soldat et comme des dizaines de milliers d’autres français; son honorariat lui est alors retiré pour pouvoir le rétablir dans son grade de lieutenant. C’est en cette qualité qu’il est blessé d’une balle qui a traversé son pied gauche, devant Charleroi, le 23 août 1914, le jour où l’armée française a subi son plus grand nombre de pertes, plus de 20.000 morts auxquels il faut rajouter des dizaines de milliers de blessés. Avant de pouvoir être soigné, il a marché plusieurs kilomètres. Alors évacué à Paris puis à Limoges, il est versé dans la Justice Militaire, nommé substitut au 2e Conseil de Guerre à Paris le 21 octobre de la même année. »

     

     

     

     

    Maurice Bernard, Professeur adjoint (1914), Capitaine d'État-major (1915), Mort pour la France (1916)

    4. Maurice Bernard, Professeur adjoint (1914), Capitaine d’État-major (1915), Mort pour la France (1916).

     

          Quant aux cinq Professeurs de Droit, qui furent mobilisés, l’un d’entre eux, Maurice Bernard (1877-1916), trouva la mort aux commandes de son avion militaire, le 10 octobre 1916, à l’âge de 37 ans. Il avait été Docteur en Droit de la Faculté de Droit de Paris en 1901, agrégé en 1903, professeur adjoint en 1914, et député du Doubs la même année. Lieutenant de réserve depuis son service militaire, il fut mobilisé le 2 août 1914 et rejoignit aussitôt le Front comme lieutenant de chasseurs à pied à l’État-major du 7ème Corps. Devenu capitaine, le 29 octobre 1915, il sera décoré de la Légion d’honneur avec citation pour son comportement sur les champs de bataille. Promu capitaine d’État-major dans l’Armée de l’Air, son avion s’abattit accidentellement sur le sol, le  10 octobre 1916. 

     

     

     

     

     

    Edgard Allix, Professeur adjoint de la Faculté de Droit de Paris (1914), Sous-Lieutenant d’infanterie

    5 Edgard Allix, Professeur adjoint (1914), Sous-Lieutenant d’infanterie (photographie de presse Agence Meurisse, datée 1928. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France).

     

        Quatre autres Professeurs de Droit, bien que mobilisés, purent continuer à enseigner à la Faculté de Paris pendant tout ou partie de la guerre. Le premier d’entre eux, Edgard Allix, aux heures de liberté de ses obligations militaires dans la capitale, comme le permettait une circulaire des ministres de la Guerre et de l’Instruction publique du 11 septembre 1915. Les trois autres, René Demogue, Gaston Jéze et Jean Percerou, sans même quitter la Faculté, avec l’autorisation du ministre. À l’exception de Jean Percerou, ancien étudiant de la Faculté de Droit de Dijon, ils étaient tous Licenciés et Docteurs en Droit de la Faculté de Paris.

     

        Edgard Allix (1874-1938), professeur adjoint de la Faculté de Droit de Paris, depuis le 1er janvier 1914, fut mobilisé de mars 1915 à juin 1919. Il sera sous-lieutenant commissaire rapporteur de la 105ème division d’infanterie, puis de la 133ème division d’infanterie, avant d’être affecté à Paris dans un camp retranché. Il put alors dispenser des enseignements à la Faculté de Droit en dehors de ses obligations militaires. Après la guerre, de 1933 à 1938, il sera élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris.

     

     

     

     

    René Demogue (1872-1938), Agrégé à la Faculté de Droit de Paris, en 1914, Professeur de Droit civil en 1919

    6  René Demogue (1872-1938), Agrégé à la Faculté de Droit de Paris, en 1914, Professeur de Droit civil en 1919 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

     

     

     

     

    Gaston Jéze (1869-1953), Professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1912, Professeur de Droit administratif en 1918

    7 Gaston Jéze (1869-1953), Professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1912, Professeur de Droit administratif en 1918 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

     

     

     

     

    Jean Percerou (1873-1957), Professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1912, Professeur de Droit civil en 1918

    8 Jean Percerou (1873-1957), Professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1912, Professeur de Droit civil en 1918 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

     

     

     

    Henri Lévy-Ullmann (1870-1947), Docteur de la Faculté de Droit de Paris en 1895, Professeur agrégé à la Faculté de Lille en 1901, Chargé de Cours à la Faculté de Droit de Paris en 1916

    9. Henri Lévy-Ullmann (1870-1947), Docteur de la Faculté de Droit de Paris en 1895, Professeur agrégé à la Faculté de Lille en 1901, Chargé de Cours à la Faculté de Droit de Paris en 1916 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

          L’accueil de Professeurs d’autres Facultés de Droit. Pendant la guerre, des Facultés de province, proches des lignes de bataille, durent interrompre leurs enseignements. Par exemple, plusieurs fois bombardé, le Palais de l’Université de Nancy, qui regroupait les quatre Facultés de lettres, sciences, droit et médecine, ferma le 11 février 1917.

     

           La Faculté de Droit de Paris put alors bénéficier du renfort de plusieurs professeurs qui avaient quitté précipitamment les Facultés de Droit de Lille (Léon Lacour et Henri Lévy-Ullmann) et de Nancy (Gabriel Bourcart, Raymond Carré de Malberg, et Louis Rolland). Ces professeurs assurèrent des cours disponibles à la Faculté de Droit de Paris, comme Henri Lévy-Ullmann à compter du 27 octobre 1916, et Louis Rolland à compter du 29 juin 1918. Après la guerre, deux d’entre eux rejoignirent définitivement la Faculté de Paris, en qualité de professeur titulaire (Louis Rolland en 1920 ; Henri Lévy-Ullmann en 1919).

     

     

     

    Louis Rolland (1877-1956), , reçu 1er au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit (1906), Professeur à la Faculté de Nancy en 1911, Chargé de Cours à la Faculté de Droit de Paris en 1918

    10 Louis Rolland (1877-1956), Docteur de la Faculté de Droit de Paris en 1901, reçu 1er au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit (1906), Professeur à la Faculté de Nancy en 1911, Chargé de Cours à la Faculté de Droit de Paris en 1918 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

     

     

     

    René Brunet (1882-1951), Capitaine d’Infanterie, Professeur de Droit, Homme politique.

    11 René Brunet (1882-1951), Capitaine d’Infanterie, Professeur de Droit, Homme politique.

        

           On peut encore citer René Brunet, chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire, reçu docteur en Droit et docteur en Sciences politiques à la Faculté de Droit de Paris avant la guerre. Chargé de cours à la Faculté de Droit d’Aix en 1912, il fut mobilisé et combattit sur plusieurs champs de bataille (Verdun, Somme, Ablaincourt, Champagne, Malmaison) où il fut blessé et plusieurs fois cité. Il obtint, à la rentrée 1918, l’autorisation d’assurer à la Faculté de Droit de Paris, une conférence de doctorat de sciences politiques. Reçu au concours de l’agrégation en 1919 et nommé Professeur à la Faculté de Droit de Caen en 1920, il abandonnera sa carrière universitaire pour une double activité d’avocat à la Cour d’appel de Paris et d’homme politique dans la mouvance de la SFIO (sous-secrétaire d’État aux Finances du cabinet Chautemps en 1937)..

     

     

     

     

    René Jacquelin (1865-1942), reçu 1er au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit (1893), Professeur de Droit public de 1902 à 1934

    12 René Jacquelin (1865-1942), reçu 1er au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit (1893), Professeur de Droit public de 1902 à 1934 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, préc.). 

     

         Par ailleurs, les Professeurs de Droit public (droit constitutionnel et droit administratif), en fonction à la rentrée 1914, intégrèrent la guerre dans leurs enseignements. C’est ainsi que le Droit constitutionnel qui traditionnellement avait lieu au second semestre de la première année de licence fut dispensé au premier semestre ; celui de Droit international public du second semestre de la deuxième année de licence fut lui aussi déplacé au premier semestre. En effet, pour le Conseil de la Faculté de Droit, réuni le 30 septembre 1914, « À raison des évènements que nous traversons, il importe que des notions de droit public soient données, dès le début, aux étudiants nouveaux aussi bien dans le domaine du droit public interne que dans celui du droit public international. »

     

     

     

     

    André Weiss (1858-1928), Professeur de Droit international public et privé

    13. André Weiss (1858-1928), Professeur de Droit international public et privé (source : Recueil des cours – Académie de droit international de La Haye. Bibliothèque nationale de France). 

          

        Parfois, le contenu même des cours dispensés de 1914 à 1918 fut affecté par la guerre. Par exemple, le Professeur André Weiss dans son cours de droit international public opposait « Les diverses conceptions du droit international, mises en évidence par la guerre des nations : celle de l’Allemagne et la nôtre ». Après la guerre, il sera juge, puis vice-président de la Cour permanente de justice internationale.

     

     

     

     

    Louis Renault (1842-1918), Professeur de Droit des gens

    14 Louis Renault (1842-1918), Professeur de Droit des gens (source de la photographie : wikipedia).

      

          Le Professeur Louis Renault dispensa, quant à lui, un cours intitulé « Droit de la guerre continentale. Étude spéciale des questions de la guerre de 1870 et de la guerre de 1914 ». Membre de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, et, en 1907, lauréat du Prix Nobel de la paix, il présida, de 1916 à 1918, la Société de Secours aux Blessés Militaires, qui deviendra en 1940, la Croix-Rouge française.

     

    À très bientôt (lundi 9 décembre) pour les chapitres :

     

    LIII  (ou 53) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (3/4) : la lente démobilisation des étudiants en Droit.

     

    LIV (ou 54) : La Faculté de Droit et la guerre de 14-18 (4/4) : Étudiants et Professeur Morts pour la France.



     
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    LIII  (ou 53) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (3/4) : la lente démobilisation des étudiants en Droit.

     

     

     

     

    La bibliothèque de Droit Cujas et la prévention des bombardements 1914-1918

                1 La bibliothèque de Droit et la prévention des bombardements

     

                                             Avis

     

                     Disposition spéciale pour la Bibliothèque

     

    En cas de bombardement par le canon, la bibliothèque sera fermée, dès le premier coup de canon.

    La salle sera immédiatement évacuée.

     

    Les lecteurs qui désirent continuer à travailler pourront se transporter avec leurs livres dans l’amphi n°1. Les livres empruntés seront préalablement inscrits par eux sur un bulletin. Le bulletin leur sera rendu au moment où ils remettront leurs livres.

                                                                     F. Larnaude.

     

     

     

    Paris fut bombardé tout au long de la guerre. Ainsi, le 29 janvier 1916, plus de 17 bombes furent-elles larguées sur la capitale par un Zeppelin allemand entraînant la mort de 265 civils.  

     

    Mais c’est entre le 23 mars et le 9 août 1918 que la capitale connut ses bombardements les plus meurtriers. Près de 400 obus furent tirés de canons géants à longue portée, les « Pariser Kanone », situés en Picardie à plus de 120 km de la capitale. L’un des obus tomba sur l’église Saint-Gervais-Saint-Protais, le 29 mars 1918, pendant les vêpres du Vendredi-Saint, tuant 91 personnes dont 52 femmes, et en blessant 68 autres.

     

    Aussi, tout au long de la guerre, des consignes furent-elles données aux étudiants de la Faculté de Droit, en cas de bombardements par canons. Parmi celles-ci, ces dispositions spéciales, signées du Doyen Larnaude, pour la Bibliothèque de Droit, reconstruite entre 1893 et 1898, par Louis-Ernest Lheureux (jusqu’en 1946, elle était encore implantée au numéro 5 de la rue Cujas au sein même de l’îlot de la Faculté de Droit). Elle pouvait accueillir près de 300 lecteurs dans deux grandes salles se divisant chacune en deux sections distinctes (voir les trois précédents chapitres XL, XLI et XLII entièrement consacrés à la Bibliothèque de Droit de la rue Cujas). 

     

     

     

     

     

    La grande salle de lecture de la Bibliothèque de Droit (photo datée 17 juin 1917

     

    2 La grande salle de lecture de la Bibliothèque de Droit (photo datée 17 juin 1917).

     

     

          Les bâtiments de la Faculté de Droit ne furent atteints par aucune bombe pendant la guerre. Ses caves avaient, par ailleurs, été réquisitionnées par les autorités comme abri pour 1 100 personnes. Dès la fin du mois d’août 1914, avaient été rangés, dans les caves, les tableaux, les sculptures et les archives de la Faculté, ainsi que les livres les plus rares de la Bibliothèque de Droit (en 1914, le fonds de la Bibliothèque comportait plus de 112 000 ouvrages).

     

         On ne saurait oublier le personnel de la Bibliothèque de Droit. En effet, la mobilisation ne toucha pas que des milliers d’étudiants, quelques professeurs, et une dizaine de membres du personnel administratif de la Faculté de Droit. La moitié des effectifs de la Bibliothèque de Droit fut incorporée sous les drapeaux au mois d’août 1914, soit cinq agents sur dix (un garçon affecté au rangement des livres trouva la mort sur le Front).

     

     

     

     

     

     

    Le cabinet d’étude des Professeurs de la Faculté de Droit de Paris (photographie datée juin 1917

     

    3 Le cabinet d’étude des Professeurs de la Faculté de Droit de Paris (photographie datée juin 1917. Source : exposition virtuelle ; Des facultés sur le front du droit. Paris et Toulouse dans la Grande Guerre : 

    http://expo-grande-guerre-biu-cujas.univ-paris1.fr/galerie-la-neutralite-interrogee/ 

     

       À la rentrée universitaire de novembre 1914, non seulement la Bibliothèque de Droit dut adapter son fonctionnement en raison de la guerre et de la réduction de ses agents, mais elle connut une autre épreuve avec la disparition de Paul Viollet (1840-1914), son premier directeur depuis 1876 (François Saleilles lui succéda aussitôt).

     

          Alors même qu’ils venaient d’avoir connaissance de la mort sur les champs de bataille de plusieurs de leurs jeunes étudiants volontaires ou mobilisés, les Professeurs de la Faculté de Droit de Paris entrèrent en conflit sur la question légère et de peu d’importance de savoir s’ils devaient ou non porter leur robe aux obsèques de Paul Viollet.

     

         C’est ainsi que le Doyen de la Faculté de Droit, Ferdinand Larnaude, écrivit, le 23 novembre 1914, une lettre au vice-recteur de l’Académie de Paris, Louis Liard, en ces termes : « Il n’y a aucun précédent qui puisse me guider dans la question de savoir si la Faculté doit assister en robe aux obsèques de M. P. Viollet. M. P. Viollet ne faisant pas partie de la Faculté, aux séances de laquelle (assemblée, conseil), il n’assiste pas, il me semble que nous ne devons pas le considérer comme un collègue […] ».  Le vice-recteur lui donna raison : «  J’estime avec vous que la Faculté ne doit pas assister en robe aux obsèques de M. Viollet mais elle ferait bien d’y assister en corps. »

     

     

     

     

     

     

     

     Assemblée de la Faculté de Droit du 26 mars 1917 : économies de chauffage.

    4 Assemblée de la Faculté de Droit du 26 mars 1917 : économies de chauffage.

     

     

          Pendant la Grande Guerre, Paris était essentiellement composée de femmes, d’enfants, d’hommes non mobilisables en raison de leur âge ou de leur état de santé, et de soldats en permission. Les parisiens étaient alors confrontés à d’autres difficultés que celles nées des bombardements ponctuels comme le manque de papiers, de nourriture et de charbon pour le chauffage. La Faculté de Droit de Paris ne fut pas à l’abri de ce dernier problème ainsi qu’en témoigne le procès verbal de son Assemblée en date du 26 mars 1917. Voici les termes de la communication du Doyen Ferdinand Larnaude :

     

    « Monsieur le Doyen annonce à la Faculté que le chauffage

    devra, jusqu’au 31 mars, date de la sortie pour les vacances

    de Pâques, être réduit à la durée de la matinée, à raison de

    l’épuisement de la provision de charbon et de l’impossibilité

    de s’en procurer d’autre actuellement. »

     

     

     

     

     

    L’Armistice dans la forêt de Compiègne, le 11 novembre 1918

    5 L’Armistice dans la forêt de Compiègne, le 11 novembre 1918 (photographie prise à 7 h 30 au moment où le Maréchal Foch part pour Paris remettre au gouvernement français le texte de l’Armistice qui vient d’être signé avec l’Allemagne).

     

         Le 11 Novembre 1918, l’armistice entre les Allemands et les Alliés fut  signé, à 5 heures 15 du matin, dans un wagon dans la clairière de Rethondes de la forêt de Compiègne (le Général Weygand et le Maréchal Foch représentaient la France).

     

     

     

     

     

     La Guerre est finie (‘Une’ du journal La Dépêche du mardi 12 novembre 1918)

    6 La Guerre est finie (‘Une’ du journal La Dépêche du mardi 12 novembre 1918).

     

          Le cessez le feu sera effectif, le 11 novembre 1918, à onze heures (le traité de Versailles sera signé le 28 juin 1919).

     

     

     

     

     

         La foule en liesse dans les rues de la capitale (J. Adler. Salon de Paris)

             7 La foule en liesse dans les rues de la capitale (J. Adler. Salon de Paris).

     

        Aussitôt, les parisiens de tout âge, auxquels se joignirent les lycéens et les étudiants de nos Facultés du Quartier latin, firent éclater leur joie dans les rues de la capitale, sous le carillon de toutes les cloches.

     

     

     

     

     

    Défilé à Paris de soldats en attente de leur démobilisation (1919)

                8 Défilé à Paris de soldats en attente de leur démobilisation (1919)

       

      En décembre de l’année 1918, à en croire la presse, les cours reprirent normalement dans les Facultés de Paris où : « De jeunes héros, la poitrine ornée de décorations, revinrent s’asseoir avec docilité sur les bancs d’écoliers pour achever d’entendre la leçon interrompue » (Journal Le Temps, du 25 décembre 1918, n° 20990).  

     

        La lente démobilisation des étudiants. En réalité, le renvoi chez eux des cinq millions d’hommes qui avaient été mobilisés ne fut pas immédiat. Les soldats étaient libérés en fonction de l’âge de classe de l’année de leurs 20 ans : d’abord les plus âgés (classes 1887 à 1891, puis 1891-1906) et les pères de famille, ensuite les plus jeunes des classes 1907-1918 (les classes 1912 et 1913 furent démobilisées à l’été 1919, et les dernières classes en 1920 et 1921).

     

     

          Plusieurs dizaines de milliers d’étudiants de Paris et de province, sans enfants, restèrent donc sous l’uniforme de longs mois (jusqu’à trois années !). Ils ne furent même pas affectés à proximité de leurs Facultés d’origine pour y passer les examens auxquels ils n’avaient pu participer pendant les années sous les drapeaux (de quatre à six années selon leur classe d’âge).

     

     

         C’est ainsi que l’on peut lire, sous la plume du nouveau vice-recteur de l’Université de Paris, Lucien Poincaré, à propos du budget pour l’année 1919, les mots qui suivent :

     

     « La démobilisation des étudiants ne paraît pas, d’après les dernières décisions du Parlement, devoir précéder celle des autres incorporés appartenant aux mêmes classes et comme il s’agit des plus jeunes, on ne peut attendre leur retour et la reprise complète des études pour la présente année scolaire. »

     

        Il ne se trompa guère puisque la Faculté de Droit de Paris accueillit seulement 3 834 étudiants à la rentrée 1918-1919, dont 567 étrangers et 197 femmes, contre 7 569 en 1913-1914, dont 886 étrangers et 192 femmes. Ce n’est qu’à la rentrée 1919-1920 qu’elle se rapprocha de ses effectifs d’avant guerre avec 6 975 inscrits, dont 897 étrangers et 312 femmes.

     

     

     

     

     

    Paris, École militaire, dépôt démobilisateur, versement du pécule le 13 février 1919 (source : Collection La Contemporaine)

    9 Paris, École militaire, dépôt démobilisateur, versement du pécule le 13 février 1919 (source : Collection La Contemporaine).

     

          L’autre guerre des soldats. Nos soldats en voie de démobilisation connurent un nouveau parcours du combattant avec notamment : le passage par l’un des 171 dépôts démobilisateurs dont 7 à Paris (casernes de  Lourcine, Fontenoy et d’Estrées, École militaire…), via des centres de regroupement (ceux-ci furent supprimés en 1919 pour rendre plus rapide la démobilisation), afin d’obtenir un titre de congé illimité de démobilisation dans la vie civile ; la mise à jour de leurs papiers militaires et administratifs ; la remise de vêtements civils dont le célèbre complet dit Clémenceau, fabriqué à partir de vieux uniformes militaires, moyennant le versement d’une indemnité de 52 francs ; l’octroi d’un pécule de démobilisation (490 francs par année dans une unité combattante) ; la recherche éventuelle d’un travail et d’un logement ; ou encore, pour ceux qui étaient en cours d’études dans les Grandes Écoles et les Facultés avant leur conscription, leur réinscription dans celles-ci. 

     

     

     

     

     

    Jeunes soldats du 125ème régiment d’infanterie (d. 1918)

                    10  Jeunes soldats du 125ème régiment d’infanterie (d. 1918)   

     

      Les diplômes des étudiants démobilisés. Précisément, les conditions de dispenses de diplômes pour l’accès à certaines professions notamment du Droit (avocat, notaire, juge..), aux étudiants qui avaient interrompu leurs études pour faire la guerre posaient problèmes à nos gouvernants comme le montre ce texte d’un projet de décret élaboré, dès le mois de juin 1917, par le Conseil supérieur de l’Instruction publique et le Parlement :

     

    « Il ne saurait être question de rétablir les facilités qui, dans le passé, avaient conduit à de regrettables abus et l’on ne propose pas d’instituer des dispenses générales de diplômes, mais chacun comprendra que la reconnaissance due aux héroïques enfants qui ont défendu le pays doit entraîner une exception qui recevra l’approbation unanime de l’opinion publique. D’autre part, l’intérêt supérieur des carrières libérales, où tant de vides cruels se sont produits, le souci de l’avenir de la science dans notre pays, le désir d’assurer aux maîtres éminents de notre enseignement supérieur qui va, durant quelques années, souffrir du manque d’étudiants un auditoire capable de profiter pour le bien public de leur zèle et de leur talent, le sentiment d’équité qui oblige à tenir compte des situations personnelles atteintes par les événements de guerre, commandent d’appliquer les mêmes mesures aux personnes qui ont été contraintes de modifier le mode d’activité vers lequel elles s’étaient d’abord dirigées. Il est bien entendu que, dans ce cas, les dispenses seraient accordées avec beaucoup de réserve et ne s’appliqueraient jamais à des étudiants encore en âge de poursuivre des études entièrement normales ». 

      

        Les examens des étudiants démobilisés. À défaut de pouvoir accorder des dispenses générales de diplômes à leurs étudiants démobilisés, les Universités durent organiser et aménager des examens au fur et à mesure de leur retour. Ainsi une circulaire du 25 mars 1918 et un décret du 10 janvier 1919 permirent-ils à ces étudiants de subir leurs examens « hors session et individuellement ». Plus encore, à la rentrée 1919-1920, la Faculté de Droit de Paris offrit aux étudiants démobilisés ayant passé plus de six mois sous les drapeaux des sessions d’examens supplémentaires. Elle réduisit également le temps des études qu’ils devaient encore accomplir pour les passer, sans pour autant les en dispenser. Dans ce contexte, en janvier 1920, les Professeurs de la Faculté de Droit de Paris durent assurer plus de 1 100 examens de licence !

     

     

     

    Il manquait un ange au jardin du Paradis          Il manquait un ange, c’est pour ça qu’il est parti (Daniel Defilipi)

                               11  Il manquait un ange au jardin du Paradis

                                  Il manquait un ange, c’est pour ça qu’il est parti (Daniel Defilipi)

     

        Après la guerre, les cours à la Faculté de Droit reprirent d’une manière normale. Mais ils se mêlaient dans les yeux des étudiants et de leurs professeurs de la joie, des interrogations et de la tristesse. Car, en effet, aux rentrées des années 1918-1919 et 1919-1920, des bancs des amphithéâtres étaient vides ou clairsemés. Glorieusement tombés au Champ d’Honneur, de nombreux étudiants devenus soldats, volontaires ou mobilisés, manquaient à l’appel. Certains d’eux étaient les frères ou camarades des nouveaux étudiants, d’autres les fils de plusieurs Professeurs de Droit.

     

    À très bientôt (jeudi 12 décembre) pour le prochain chapitre :

     

    LIV (ou 54) : La Faculté de Droit et la guerre de 14-18 (4/4) : Étudiants et Professeur Morts pour la France.



     
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    chapitre LIV (ou 54) : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (4/4) : Étudiants et Professeur Morts pour la France.

     

     

     

    Soldats français ensevelis sous terre (1914-1918)

                                     1 Soldats français ensevelis sous terre

     

          Au cours de la Première Guerre mondiale, 1,4 million de soldats français perdirent la vie sur les champs de bataille. Parmi ceux-ci, des milliers de jeunes étudiants qui avaient été mobilisés et incorporés dans les unités combattantes à l’année de leurs vingt ans (en 1913-1914, le nombre total des étudiants en France s’élevait à 42 037, dont 7 569 pour la seule Faculté de Droit de Paris). Des Chargés de cours et des Professeurs adjoints ou titulaires de nos Facultés, appelés sous les drapeaux avant l’âge de quarante-huit ans, moururent eux-aussi au champ d’honneur.

     

     

     

    Cérémonie de la fin de l’année universitaire à la Faculté de Droit de Paris, le 8 juillet 1915 (Le Petit Journal, n° 19188, du samedi 10 juillet 1915)

    2 Cérémonie de la fin de l’année universitaire à la Faculté de Droit de Paris, le 8 juillet 1915 (Le Petit Journal, n° 19188, du samedi 10 juillet 1915. Article signé Georges Le Hir).

     

    L’année universitaire se termine.

    Jadis la clôture de l’Université était le signal d’une extraordinaire et joyeuse nervosité, au Quartier Latin.

    Cette année, les étudiants se séparent sans fêtes.

    Les facultés pleurent leurs morts.

    Et ils sont nombreux.

     

    Dans le grand vestibule de la Faculté de droit, sur le mur tapissé d’un grand drapeau, on a posé des tableaux où sont inscrits les noms des étudiants en droit. Ils sont 125, morts pour la patrie, et 42, cités à l’ordre du jour de l’armée.

     

       Les quelques étudiants qui ne sont pas au feu sont venus avant-hier accrocher une grande palme verte  au dessous de ce tableau d’honneur. Le Doyen de la Faculté. M. Larnaude, remercia ses élèves : « Cette palme est un symbole, dit-il, De même que la branche de l’arbre du désert se relève toujours d’elle-même, quelque effort qu’on fasse pour la courber, de même la France ne cède un instant que pour se redresser plus fière. »

     

    La plupart des étudiants sont officiers de réserve. Les autres le deviennent au front. Les risques du grade s’ajoutent donc pour eux aux risques de la fougue juvénile.

     

    Ils sont partis pour la bataille plusieurs milliers qui donnent leur sang sans marchander.

     

           Cet article de presse, ci-dessus reproduit, rappelle que des tableaux, posés sur les murs du hall d’entrée (aussi dénommé grande galerie), de la Faculté de Droit donnant sur la rue Saint-Jacques, comportaient le nom des étudiants en Droit Morts pour la France (au nombre de 125, le 8 juillet 1915). Ces tableaux avaient été installés, dès le mois de septembre 1914, lorsque la Faculté de Droit avait appris la disparition de ses premiers étudiants mobilisés au mois d’août de la même année. Ils furent ensuite mis à jour au fur et à mesure des nouveaux décès de ses étudiants mobilisés dont la Faculté de Droit était informée.

     

          Dès la rentrée 1916, un autre espace fut réservé à la Bibliothèque de Droit du 5 rue Cujas avec les biographies et archives relatives aux étudiants Morts pour la France, communiquées à la Faculté par leurs parents en détresse.

     

          Par ailleurs, au début des cérémonies des rentrées universitaires, et des réunions du Conseil et de l’Assemblée de la Faculté de Droit, le Doyen Ferdinand Larnaude donnait lecture du nom des étudiants et des membres du personnel de la Faculté morts au champ d’honneur.

     

     

     

    Le Livre d’Or de la Faculté de Droit. Guerre 1914-1918 (Paris 1925)

           3 Le Livre d’Or de la Faculté de Droit. Guerre 1914-1918 (Paris 1925).

     

     

           Le 14 novembre 1918, après l’Armistice, le Doyen Ferdinand Larnaude organisa une cérémonie devant le tableau d’honneur de 430 étudiants en Droit Morts pour la France.

     

         Puis, le 23 juin 1919, le Conseil de la Faculté annonça l’élaboration d’un Livre d’Or de la Faculté de Droit de Paris en hommage à ses étudiants morts et blessés au cours de la guerre 1914-1918. Ce livre, édité en 1925, dénombrait 700 étudiants en Droit de Paris morts et 1 500 blessés.

     

     

     

    LIV : La Faculté de Droit et la guerre de 14-18 (4/4)

    4 Aux étudiants et anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris Morts pour la France (photographie de presse du 15 mars 1925).

     

          Le monument aux étudiants et anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France, qui se trouve dans le hall d’entrée, côté rue Saint-Jacques, de l’ancienne Faculté de Droit de Paris (aujourd’hui siège de l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne), a été inauguré le 15 mars 1925. Il comporte deux plaques en pierre, lettres gravées et échampies de rouge.

     

     

     

     

    Plaque commémorative des étudiants et anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France

    5 Première plaque commémorative des étudiants et anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France.

     

     

         Sur ces deux plaques, le nom des étudiants et des anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, Morts au Champ d’honneur, est présenté par ordre alphabétique.

     

     

     

     

    Roger Allier, étudiant en Droit (1910), avocat stagiaire (1913), mobilisé le 1er août 1914, mort au Champ d’honneur, le 29 août 1914

    6 Roger Allier, étudiant en Droit (1910), avocat stagiaire (1913), mobilisé le 1er août 1914, mort au Champ d’honneur, le 29 août 1914.

     

      L’un d’entre eux, emprunté à la lettre « A », est Roger Allier.

         Dans une lettre au Bâtonnier de Paris, du 19 juillet 1916, sa mère rappelle que, licencié en Droit en 1910, Roger Allier était parti pour son service militaire à l’automne 1911, et que, revenu à l’automne de 1913, il s’était inscrit en stage au Barreau de Paris et en doctorat à la Faculté de Droit, avant d’être mobilisé, dès le 1er août 1914, comme sous-lieutenant au 11ème bataillon de chasseurs alpins. Puis, elle annonce au Bâtonnier que son fils a trouvé la mort, le 29 août 1914, alors qu’il commandait un détachement de mitrailleurs.

     

         Voici, par ailleurs, le texte de la fiche du ministère de la Défense consacrée à Roger Allier, aujourd’hui accessible en ligne dans la Base de données des Morts pour la France de la Première Guerre mondiale de la Direction des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives (plus de 1,3 million de fiches de militaires décédés au cours de la Grande Guerre, ayant obtenu la mention Morts pour la France aux conditions des articles L488 à L492 bis du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre) :

     

    ALLIER (Roger), Croix de Guerre (palme), étudiant en droit, ancien élève de l’École des Sciences Politiques, sous-lieutenant mitrailleur au 51ème Chasseurs à pied. A défendu pendant deux heures, avec une quinzaine de chasseurs, le passage à niveau dés Tiges* à Saint-Dié, le 29 août 1914. Blessé aux jambes, a été relevé par les Allemands, a été porté dans une de leurs ambulances de Saint-Dié, et a été tué le lendemain d’un coup de feu tiré à bout portant.

    Citation : Quoique blessé grièvement aux deux jambes, a continué à encourager ses chasseurs avec la plus remarquable énergie.

    [Né le 13 juillet 1890.Fils de M. Raoul ALLIER, professeur à la Faculté libre de théologie protestante, et de Mme née FHKISS].

     

     

     

     

    Plaque commémorative des professeurs agrégés et chargés de cours, anciens élèves de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France

    7 Plaque commémorative des professeurs agrégés et chargés de cours, anciens élèves de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France.

     

         Les deux plaques encadrant l’escalier du hall d’entrée de l’ancienne Faculté de Droit de Paris sont complétées, sur les mêmes murs, de trois autres plaques dont une en hommage aux professeurs agrégés et chargés de cours, anciens élèves de la Faculté de Droit de Paris, Morts pour la France.

     

     

     

     

    Maurice Bernard, Professeur adjoint (1914), Capitaine d'État-major, Mort pour la France le 10 octobre 1916.

    8 Maurice Bernard, Professeur adjoint (1914), Capitaine d’État-major, Mort pour la France le 10 octobre 1916.

     

         Le premier d’entre eux est Maurice Bernard, député et professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1914. Mobilisé en 1914, il fut promu, le 29 octobre 1915, capitaine d’État-major dans l’Armée de l’Air, et décoré de la Légion d’honneur avec citation pour son comportement sur les champs de bataille. Le 10 octobre 1916, à l’âge de 37 ans, il trouva la mort, de manière accidentelle, aux commandes de son avion militaire (voir sa biographie dans le précédent chapitre LII  ou 52 : La Faculté de Droit de Paris et la guerre de 14-18 (2/4) : les Professeurs sous les drapeaux et les Professeurs en poste).

     

     

     

    Plaque de l’hommage des étudiants roumains à leurs camarades français tombés au champ d’honneur.

    9 Plaque de l’hommage des étudiants roumains à leurs camarades français tombés au champ d’honneur.

     

     

          Dans le hall d’entrée de la Faculté de Droit de Paris, une quatrième plaque de marbre noir comporte, en lettres gravées échampies d’or, bordée d’une grande palme, l’inscription suivante: « À LEURS CAMARADES FRANÇAIS TOMBÉS AU CHAMP D’HONNEUR. LES ÉTUDIANTS ROUMAINS. 28 août 1916 ».

         

          Une cinquième plaque de marbre noir et blanc comporte cette autre inscription, bordée de deux palmes : « DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE ET TOUJOURS  DE L’AUDACE. LES ÉTUDIANTS YOUGOSLAVES AUX ÉTUDIANTS FRANÇAIS TOMBÉS AU CHAMP D’HONNEUR ».

        

              Je rappelle qu’à la rentrée de l’année1914-1915, les étudiants de la Faculté de Droit étaient 1 165 dont 223 étrangers (en 1915-1916 : 1 847 étudiants dont 456 étrangers ; en 1916-1917 : 1 887 dont 483 étrangers ; en 1918-1919 : 3 884 dont 567 étrangers ; en 1919-1920 : 6 975 dont 897 étrangers). Parmi ces étudiants étrangers, les roumains et les serbes ou yougoslaves (le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, proclamé en 1918, prit le nom de royaume de Yougoslavie en 1929), devaient être en grand nombre. À défaut d’avoir trouvé sur la toile des données précises des étudiants en Droit de Paris, par nationalité, pendant la première Guerre mondiale, voici au moins celles de la rentrée 1904-1905. À cette époque, la Faculté de Droit de Paris accueillait 81 étudiants roumains et 18 étudiants serbes.

     

                                    Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche  immense,

                                    Mêlant  sa  gloire  épique  aux  orgueils  du passé,

                                    N’est  pas  cet  étranger  devenu  fils de  France

                                    Non par le sang reçu, mais par le sang Versé.”

                                                                               (Pascal Borelli).

     

     

     

     

    Sur la tombe du fils et du frère

                                         10  Sur la tombe du fils et du frère. 

          

          Des fils de Professeurs de Droit, Morts au Champ d’honneur. Plusieurs Professeurs en poste à la Faculté de Droit de Paris pendant la guerre connurent l’épreuve de perdre leurs propres fils, appelés sous les drapeaux.

     

       Il en fut ainsi des Professeurs Adrien Audibert, Étienne Bartin, Auguste Deschamps, Charles Gide, Paul Leseur, Charles Massigli, Edmond Meynial, Antoine Pillet, Marcel Planiol et Edmond Thaller.

     

      D’autres Professeurs de la Faculté de Droit de Paris, retraités ou décédés, perdirent, eux aussi, leurs fils au combat, comme Paul Beauregard et Raymond Saleilles.

     

     

     

     

    L’Arrivée au Panthéon, devant la Faculté de Droit, le 11 novembre 1911, du corps du Poilu Inconnu et du char portant le cœur de Gambetta

    11 L’Arrivée au Panthéon, devant la Faculté de Droit, le 11 novembre 1920, du corps du Poilu Inconnu et du char portant le cœur de Gambetta.

     

    Le 11 novembre 1920, année du cinquantenaire de la République, fut organisée la commémoration de niveau nationale du soldat inconnu «  le fils de toutes les mères qui n’ont pas retrouvé leurs fils » (général Weygand).

     

     C’est un jeune soldat, âgé de vingt-et-un ans, engagé volontaire, Auguste Thin, dont le père avait disparu dans les combats, qui avait choisi, le 10 novembre, parmi huit cercueils de soldats non identifiés, morts à Verdun, le sixième d’entre eux, pour les représenter tous.

     

    Le 11 novembre, un cortège encadrant le cercueil de ce soldat inconnu ainsi qu’une châsse avec le cœur de Gambetta, fondateur de la République, fit un arrêt place du Panthéon, devant l’entrée principale de la Faculté de Droit, pour recevoir un premier hommage de la nation. Puis le cortège se rendit à l’Arc de Triomphe. Le cercueil du soldat inconnu fut alors déposé dans une chapelle ardente du bâtiment, et l’inhumation eut lieu le 28 janvier 1921. 

     

         « Je voudrais bien savoir à quoi sert le silence ; Il ne guérit de rien ; au contraire, il aigrit les maux et les tourments du cœur et de l’esprit » (Lachaussée, Gouvern. I,1). Le samedi 1er décembre 2018, des manifestants masqués ont profané l’Arc de Triomphe, où repose pour l’éternité ce Soldat inconnu. À ce jour, la réponse judiciaire exemplaire qui avait été promise est inconnue ou censurée par la presse (la plupart des procédures ouvertes ont été discrètement classées sans suite). 

     

     

     

    René Cassin, Docteur de la Faculté de Droit de Paris, le 1er avril 1914, mobilisé le 1er août 1914, blessé en 1916, Professeur de la Faculté de Droit Paris de 1930 à 1944

    12. René Cassin, Docteur de la Faculté de Droit de Paris, le 1er avril 1914, mobilisé le 1er août 1914, blessé en 1916, Professeur de la Faculté de Droit Paris de 1930 à 1944. 

     

         En conclusion de cette bien triste série de quatre chapitres consacrés à la Faculté de Droit de Paris sous la guerre de 14-18, j’ajouterai que plusieurs anciens étudiants en Droit de Paris d’avant la guerre, mobilisés ou volontaires sous les drapeaux, qui furent blessés sur les champs de bataille, devinrent, après le conflit, Professeur à la Faculté de Droit de Paris. Parmi ceux-ci :

     

           René Cassin. Docteur en Droit de la Faculté de Droit de Paris, le 1er avril 1914, mobilisé, en qualité de Caporal, le 1er août 1914, il fut grièvement blessé en 1916. Il devint Professeur titulaire à la Faculté de Droit de Paris, le 1er mars 1930 (voir l’étude que je lui ai consacrée dans la rubrique Photothèque).

     

          Léon Julliot de la Morandière. Docteur en Droit de la Faculté de Droit de Paris, le 8 décembre 1909, et engagé en qualité d’Artilleur et d’Officier d’Artillerie du 1er décembre jusqu’à la fin de la guerre, cité en avril 1916, il fut blessé le 19 juillet 1918. Il devint Professeur titulaire à la Faculté de Droit de Paris, le 1er novembre 1927 (voir  le prochain chapitre de cette rubrique : Quatre Doyens de la Faculté de Droit de Paris de 1922 à 1955).

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