Et pourtant ! Une fois passé ce sombre écran de fumée, la faluche se présente comme une toute autre chose, gardienne de traditions et symbole de la fierté étudiante. Envie d’en savoir plus ? Suivez nous jusqu’au cœur de la faculté de Médecine, pour l’interview du Grand Maître et du Grand Chambellan de la Faluche de Médecine…
Mikael et Clément, occupant respectivement les fonctions susnommées, sont visiblement très contents qu’un webzine s’intéresse – enfin ! – à autre chose qu’à l’aspect superficiel que l’on peut avoir de la faluche. Avant même d’avoir commencé à poser les questions, ils expliquent avec enthousiasme ce qu’est une faluche. Ô surprise ! Cette coiffe, loin d’être un assemblage anarchique de pin’s et de bouts de tissus est un ensemble extrêmement codifié, lisible pour les habitués, retraçant la vie scolaire, universitaire, personnelle (orientation sexuelle, statut sentimental, goûts, …) le lieu de naissance, de résidence, l’engagement associatif, etc, de celui qui la porte. C’est donc dans cette ambiance que commencent les questions proprement dites.
1) Mikael et Clément, vous êtes respectivement Grand Maître et Grand Chambellan de la Faluche de Médecine clermontoise. Lorsque l’on entend ces termes, on pense tout de suite soit : à une secte, à une parodie amusante, à un ordre séculaire et mystérieux. Est ce que la faluche ne serait pas un mélange des trois ? Clément : Finalement, la faluche n’est aucun des trois. Ce n’est pas une secte, parce qu’on ne requiert aucun engagement financier. Tout le monde peut porter une faluche, il suffit d’être parrainé. Tout le monde peut en sortir, même si le phénomène se voit très rarement. Ce n’est pas une parodie non plus, parce que même si les titres que nous portons sont symboliques, l’engagement faluchard exige un goût pour l’entraide et le dévouement. Ce n’est enfin pas un ordre, même si nous possédons un code et une hiérarchie. La faluche ne se prend pas au sérieux plus que nécessaire. Mikael : Rappelons que la faluche est simplement la coiffe traditionnelle de tous les étudiants. Nous ne sommes pas une association, nous n’avons ni cotisations, ni local. Ce n’est qu’un statut, normalement réservé aux seuls étudiants, mais à tous les étudiants, de médecine et d’ailleurs.
2) À quand remonte la faluche et à quoi sert elle ? Mikael : La tradition qui consiste à ce que les étudiants portent un habit distinctif remonte au Haut Moyen-Âge, à la création des premières universités. La faluche elle-même remonte à 1888, lors du Congrès International de Bologne pour les huit-cents ans de l’Université. Clément : Lors de ce congrès, les français s’aperçurent qu’ils ne portaient pas d’habits assez distinctifs par rapport aux autres étudiants (surtout les belles capes italiennes). Ils adoptèrent d’urgence le premier symbole qu’ils eurent sous la main : le béret traditionnel de la ville de Bologne, qu’ils ramenèrent en France. Mikael : La faluche sert à montrer plusieurs choses. Tout d’abord, elle traduit la fierté du statut d’étudiant. Il faut se souvenir que ce statut était autrefois un privilège et un gage de réussite. Le système des bourses récompensant les meilleurs et permettant la mobilité estudiantine est un phénomène connu depuis le Moyen-Âge. La faluche se porte également dans un souci de respect de la Tradition et de l’engagement au service des étudiants, du savoir et de l’enseignement. Elle sert également à accroître sa sociabilité partout en France, car la faluche fonctionne comme un réseau d’accueil.
3) Il y a quelques temps, un canard auvergnat à la plume dure a écrit un article sur les soirées faluchardes (notamment le célèbre crit’ de médecine). L’article, loin de vous encenser, traduit bien la mauvaise réputation de la faluche clermontoise. Cette réputation est elle la même dans les autres villes ? Clément : La faluche n’est pas propre aux études de Médecine. Toutes les filières sont concernées. Notre réputation vient du fait que les personnes extérieures assimilent trop souvent la faluche à la faculté de Médecine. Mais même sans la faluche, les étudiants organiseraient ces fameuses soirées. Ils n’ont pas besoin de nous. Dans d’autres villes où la faluche est mieux répartie au sein des différentes filières, elle a bien meilleure réputation. Mikael : Je pense notamment à la ville de Lyon et à celle de Toulouse, où nous sommes associés au respect des codes, à la garde de la Tradition, à l’engagement associatif au service des universités. La ville de Montpellier est le berceau de la faluche française. La connaissance de l’Histoire, des Codes, le respect des serments sont nécessaires à l’obtention d’une faluche. Par exemple, les faluchards sont particulièrement impliqués dans tous les phénomènes étudiants : élections aux Crous, aux conseils d’administration et scientifique, aux BDE, aux pôles humanitaires, dans les échanges internationaux.
4) La faluche est elle un phénomène connu dans d’autres pays d’Europe ? Clément : Chaque pays a sa faluche. En Belgique et Pays-Bas, cela s’appelle la penne ; en Espagne et au Portugal, la tuna; en Italie, la feluca. Finalement, la France est la dernière a avoir adopté une faluche. Mikael : Il existe d’ailleurs un banquet annuel étudiant européen à Strasbourg, où les étudiants faluchés sont particulièrement représentés et où se discutent les harmonies de diplômes et les orientations internationales des facultés. Le phénomène est donc bien européen.
5) Facs de Lettres, de Droit, d’Économie, de Sciences, prépas et grandes écoles semblent moins bien touchées par ce phénomène. À votre avis, pourquoi ? Qu’est ce qui différencie la fac de Médecine ? Clément : La vie universitaire en Médecine est très différente. En effet, dans les autres filières, on ne vient à la fac que pour assister aux cours, et on repart aussitôt. En médecine, notre implication fait de la fac un vrai lieu de vie, de débat et de rencontres. Mais c’est en train de changer. À Clermont, nous avons de plus en plus de demandes de “baptême” (cérémonie d’initiation, NdR) dans d’autres filières, ce qui est encourageant. Il faut séparer les études de médecine d’avec la faluche. Ce sont deux phénomènes indépendants, et la réputation de l’un nuit à celle de l’autre. Mikael : Techniquement, tous les étudiants devraient porter la faluche, puisque c’est la coiffe traditionnelle. Le réseau faluchard ne devrait pas exister. En fait, deux évènements ont réellement bouleversé l’image et les effectifs des faluchards. Tout d’abord, avant la Deuxième Guerre mondiale, presque tous les étudiants étaient faluchés. C’était ancré dans les mœurs. Pendant l’Occupation allemande, les étudiants faluchés furent impliqués dans la Résistance. Les nazis ont cru voir dans les insignes faluchardes des codes pour les actions menées par les résistants. Beaucoup de jeunes étudiants résistants furent donc fusillés, et le port d’une faluche signifiait une suspicion mortelle. Après la Victoire, les étudiants ne remirent pas leur faluche. Ensuite, lors des évènements de Mai 1968, la Faluche, gardienne de l’ordre et des traditions, fut assimilée à l’action réactionnaire et passéiste, conservatrice et rétrograde. La Tradition était alors un mot maudit. Tout doucement, la Faluche reprend vigueur, notamment avec l’adoption d’un Code unifié dans les années 1980.
6) Combien la faluche compte elle de membres ? Mikael : C’est difficile à dire. Comme nous ne sommes pas une association, comptabiliser nos effectifs est au-dessus de nos moyens. Je dirais que nous sommes une centaine d’actifs sur Clermont, mais plusieurs dizaines de milliers en France. Quant aux effectifs européens, je ne saurais le dire, mais certainement nous sommes nombreux ! (rires).
Le mot de la fin fera l’unanimité des deux interviewés : “il faut valoriser les autres aspects de la faluche”. La fierté du statut étudiant, le volontariat, le service, le respect de la Tradition et de l’Histoire, l’engagement associatif universitaire constituent les véritables aspects d’une Faluche, trop simplement associée à la débauche. Certes les faluchards ne sont pas des ascètes. Mais ils ont le goût du service et de l’implication. À Clermont, les choses se métamorphosent. Adieu ceux qui voudraient se faire falucher pour rien d’autre que l’alcool facile, les fêtes sans fin. Bienvenue plutôt à ceux que concernent la vie universitaire et associative. Et clou du spectacle, le célèbre baptême faluchard peut se faire, à la demande de l’initié, à l’eau.
Qui l’eût cru ?
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