Un bourgeois de la ville se désespère parce que son épouse est muette. Les chirurgiens lui rendent la voix, mais notre homme excédé ne peut plus la supporter. L’opération inverse étant impossible, ils lui enlevèrent un osselet dans chaque oreille, pour le rendre sourd. Dès lors, il n’entend plus rien et tout finit par une bagarre générale.
Les personnages de droite représentent : l’un, la Faculté de Médecine, sous l’apparence allégorique d’une jeune femme en costume professoral, l’épitoge au côté, l’autre un carabin style entre-deux-guerres, avec cape et faluche.
François Rabelais s’inscrivit à la Faculté de Médecine en septembre 1530, avant d’être célèbre pour son oeuvre de littérateur. Les étudiants le considèrent comme un modèle, peut-être pour sa philosophie qui allie beaucoup de travail à quantité de plaisirs à tirer de la vie, celui de la “dive bouteille” étant le plus recommandé. Il est assez fréquent que des monômes soient organisés ici, autour d’un tonneau de vin de Mireval, mis en perce.
En 1910, l’Union des Etudiants voulut élever un monument à Rabelais, sur l’Esplanade, à proximité du local de l’association. A l’instigation de Paul Ravoire, leur Secrétaire Général, une souscription fut lancée et un grand concours national, ouvert auprès des sculpteurs. Deux projets sur sept furent retenus, celui de Jacques Villeneuve devançant celui du bitterois Magrou par 12 voix contre sept au jury. Ce choix entraîna une violente polémique journalistique. Pendant quatre années, les gazettes locales se déchaînèrent.
Il fallut la première guerre mondiale pour apaiser les esprits. Quelque opinion que l’on ait de cette oeuvre, que ses détracteurs comparaient à un cheminée ou une pendule, il est difficile actuellement d’imaginer la virulence de la querelle qui partagea les montpelliérains. Les rancoeurs étant calmées, il fut décidé d’élever le monument au Jardin des plantes. L’inauguration eut lieu le 21 octobre 1921, à l’occasion des grandioses fêtes du VIIème centenaire de la Faculté de Médecine. La foule réconciliée pouvait goûter un florilège de beaux discours.
Article du Journal l’Eclair du 7 novembre 1921 :
“A dix heures sonnantes, Monsieur le Président Millérand est venu s’asseoir, entouré des Ministres, sur l’estrade aménagée devant le monument de Villeneuve. La tribune des orateurs est dressée en face. Les délégations professorales de nos facultés, précédées de leur Doyen, les délégations françaises et étrangères, sont présentes en costumes d’apparat. Autour du piédestal ont pris place les porteurs de drapeaux et bannières, ainsi que les choristes de l’Ecole Normale qui nous donnèrent une interprétation nuancée de l’hymne national et la cantate Au drapeau, accompagnée par la Sainte-Cécile.”
(Merci à Diesel Montpellier)
Inauguration de la statue:
Autres clichés d’époque du monument.
Restauration :
La statue de Rabelais au Jardin des plantes, inaugurée le 6 novembre 1921 par le président de la République de l’époque Alexandre Millerand et dont la restauration vient de s’achever, a été rendue visible au public mercredi 8 mars 2023.
Philippe Augé, président de l’Université, Isabelle Lafont, doyenne de la faculté de médecine, Thierry Lavabre-Bertrand, directeur du Jardin des plantes, Claude Cazes, président de la Fondation d’entreprises de l’université, ont dévoilé mercredi 8 mars 2023 la plaque symbolisant la restauration du monument dédié à Rabelais “En vin vérité” du sculpteur Jacques Villeneuve. Elle fut inaugurée le 6 novembre 1921 par le président de la République de l’époque Alexandre Millerand. Les carabins de la faculté de médecine, qui ont contribué au chantier, ont levé leur verre face à la statue pour l’occasion.
MONTPELLIER / CEREMONIE POUR LA FIN DE LA RENOVATION DE LA STATUE DE RABELAIS AU JARDIN DES PLANTES
https://www.midilibre.fr/2023/03/08/la-statue-de-rabelais-au-jardin-des-plantes-de-montpellier-est-a-redecouvrir-apres-sa-restauration-11046305.php
Description
Sur la face avant du Monument
Surplombé par le buste de Rabelais, encadré des portraits de Gargantua (à gauche) et Pantagruel (à droite), le monument est composé d’un bas-relief illustrant une fable de Rabelais,
“La morale comédie de celluy qui avait espousé une femme mute”.
Cette farce a été créée pour être jouée sur les tréteaux rue de la Loge et fut interprétée par Rabelais lui-même.
Voici un résumé très suffisant pour en connaître l’action. La femme était muette. Son bon mari voulait qu’elle parlât. Elle parla par l’art du médecin et du chirurgien qui lui coupèrent le filet. Dès qu’elle eut recouvré la parole, elle parla tant et tant que son mari excédé retourna au médecin pour lui demander de remédier à ce mal et de la faire taire.
“J’ai bien en mon art, répondit le médecin, des remèdes propres à faire parler les femmes. Je n’en ai pas pour les faire taire. Le remède unique contre bavardage de femme est surdité du mari.”
Le pauvre mari accepta ce remède, puisqu’il n’y en avait point d’autre. Les médecins, par on ne sait quel charme qu’ils firent, le rendirent sourd. La femme, voyant qu’il n’entendait mot, et qu’elle parlait en vain, de dépit de ne pouvoir se faire entendre devint enragée. Le médecin réclama son salaire. Le mari répondit qu’il n’entendait pas sa demande. Le médecin lui jette au dos une poudre par la vertu de laquelle il devient fou.
Le mari fou et la femme enragée se mirent d’accord pour battre le médecin et le chirurgien qui restèrent demi-morts sur le carreau. Ainsi finit la comédie.
Devant le Monument
On retrouve deux rondes-bosses qui illustrent l’Université :
Une allégorie de la Faculté sous les traits d’une femme en costume professoral avec camail et épitoge se penche sur les Aphorismes d’Hippocrate traduits en latin par Rabelais et édités en 1532.
Un étudiant, carabin d’entre-deux guerres, avec sa cape et sa Faluche, tend une coupe vers l’écrivain. Ce geste est évoqué sur le côté droit par la dive bouteille à l’onomatopée « trinc » explosive. La statue a connu diverses dégradations au fil du temps, notamment la perte de la main droite tenant la coupe de vin. Ce monument a subi une restauration en octobre 2022, pour lui redonner son éclat d’antan.
Sur le bas du monument
L’artiste exalte la vigne et le vin en représentant le triomphe de Silène sur son âne suivi d’un chèvre-pied jouant du cor.
L’arrière du monument
Le revers du monument rappelle, avec le blason de l’Université, le grade docteur acquis par Rabelais à Montpellier.
“Vivez Joyeux” orne le dos du monument. Cette maxime guida la philosophie de vie de notre cher François, humaniste renommé.
Frère Jean des Entommeures à droite et Panurge à gauche, y sont aussi représentés.
La perte de la main de l’Étudiant
C’est en 1986 que la main de l’étudiant se détache pour la première fois. Le froid vigoureux de l’hiver est mis en cause. M. Jammes, de l’association des Amis du Jardin des Plantes, viendra recoller les morceaux cassés.
Hélas, elle disparut une nouvelle fois.
A la suite de sa deuxième disparition, une légende voit peu à peu le jour.
La perte de cette main tenant la coupe, allégorie de « la dive bouteille » devient une quête dans laquelle chaque Carabin peut se plonger. En d’autres termes, la dive bouteille est perdue et c’est aux étudiants de la rechercher à travers leurs actes et en faisant vivre leurs traditions.
Restauration
Depuis la perte de la main, le monument n’est plus appréciable dans son entièreté, malgré cette légende. Afin de permettre à quiconque de comprendre l’œuvre de Villeneuve, la décision fut prise en 2022 de refaire une main pour l’étudiant, en même temps que la rénovation complète du monument.
Lors de l’inauguration, l’ensemble des Montpelliérains ont pu retrouver la statue aussi immaculée qu’en 1921.
Cérémonie de Carabinage des Étudiants en Médecine
Pour fêter leur entrée dans la vie de Carabin, à la fin de leur deuxième année d’étude, les étudiants assistent à la cérémonie du Carabinage.
A cette occasion, leurs pairs les accompagnent pour prêter serment devant notre Maître.
Après cela, la coutume veut qu’une photo soit prise derrière le monument de Rabelais, où l’on peut voir la maxime de Rabelais, “Vivez Joyeux”. Cette phrase guide encore de nos jours la ligne de conduite des Carabins. La recherche de la curiosité positive et du savoir pseudo-encyclopédique restent des notions rabelaisiennes qui nous tiennent à cœur.
Source : https://facmedecine.umontpellier.fr/patrimoine-historique/jardin-des-plantes/histoire-et-patrimoine-du-jardin/